Vivre de sa passion fait rêver. Mais qu'en est-il réellement ?
Caroline, 52 ans, nous raconte comment elle s’est reconvertie en tant que céramiste après une première vie professionnelle en tant qu’architecte d’intérieur.
Voici son parcours, ses compromis en tant que maman célibataire et ses conseils pour se lancer !
Bonjour Caroline, peux-tu nous parler de ta première vie professionnelle ?
J’ai fait des études d’histoire de l’art à la Sorbonne avant de me former à l’architecture d’intérieur.
Une fois diplômée, j’ai été salariée deux ans dans une agence à Clermont-Ferrand. Mais le monde du salariat ne me convenait pas alors je suis rentrée à Paris pour me former aux logiciels d’architecture tout en travaillant en agence le soir.
J’ai très vite compris qu’exercer en libéral me correspondait mieux, alors à 23 ans, je me suis lancée à mon compte. Je n’ai eu aucune peur à ce moment-là. Quand je me suis lancée, les clients ont été au rendez-vous, le bouche à oreille marchait bien… Ça a continué pendant une vingtaine d’années !
Quand as-tu senti que tu n'étais plus à ta place ?
Il y a douze ans, il était question que je suive mon mari à l’étranger. J’avais commencé la céramique juste avant et comme on devait partir en Asie, j’avais plein de projets autour de cette passion qui m’était venue. Je me suis mise en cessation d’activité pour préparer notre départ et j’avais en tête de me lancer dans une formation de céramiste à plein temps.
Tout ne s’est pas passé comme prévu puisque j’ai demandé le divorce juste avant de partir à l’étranger. Avec deux enfants à charge, il m’a semblé risqué de me lancer pleinement dans une reconversion. J’ai eu peur et j’ai préféré trouver une solution pour élever mes filles sereinement sans abandonner totalement la céramique.
J’ai donc repris mon activité d’architecte d’intérieur tout en suivant des cours du soir en céramique. Cela m’a permis d’apprendre différentes techniques, d’apprendre à travailler différentes terres.
Mes revenus d’architecte d’intérieur me permettaient de vivre correctement, même en étant mère célibataire. Mais la lassitude était bien là. J’étais moins portée par mes projets et je me sentais de plus en plus animée par l’univers de la céramique.
Qu'est-ce qui t'a fait passer à l'action et à quoi ressemblent tes débuts en tant que céramiste ?
Juste avant le COVID, une fille rencontrée dans les cours du soir cherchait quelqu’un pour partager un atelier. C’est un de mes copains qui m’a poussée et qui m’a dit : “Essaie ! Ça ne t’engage à rien sur le long terme et tu verras bien ce que ça donne !”
J’aimais l’idée d’avoir un atelier pour créer librement et développer des projets à mon rythme. Je voulais voir aussi si je trouverais la même intensité et le même plaisir à la céramique en m’y adonnant plus régulièrement. Ça n’a pas loupé : j’avais envie de passer tout mon temps à l’atelier !
La période de confinement à été très productive pour moi ; j’ai beaucoup créé. Quand on est sorti de là, j’ai participé à une exposition. Toutes mes pièces se sont vendues ! Les commandes ont suivi et j’ai reçu beaucoup de compliments.
Je crois que ça a été un déclic. En parallèle, j’étais complètement désintéressée et démotivée par l’architecture d’intérieur. Je rechignais à accepter des projets ; c’est là que j’ai tout arrêté pour me consacrer pleinement à la céramique.
Comment as-tu fait pour trouver des clients et développer ton activité ?
J’ai toujours détesté démarcher. Je n’ai jamais eu besoin de le faire en tant qu’architecte d’intérieur et c’était donc un nouvel exercice pour moi. Je n’ai pas l’âme d’une commerciale mais je me suis rendu compte qu’en parlant de ce que j’aime, les choses (et les clients) venaient à moi plus facilement.
J’ai fait plusieurs expositions qui m’ont permis d’avoir de la visibilité et de vendre des pièces – même si cela reste aléatoire. Et puis les clients viennent par le bouche à oreille ou simplement par la proximité avec l’atelier. L’un des restaurants à côté de l’atelier m’a contactée pour que je crée sa vaisselle, un autre pour un projet de fèves de galettes des rois. J’aime bien cette idée de travailler avec des restaurants car on travaille sur un projet ensemble, on développe une idée, on la fait évoluer. C’est très stimulant !
La revue Beau a réalisé un papier sur les adresses de céramistes à Paris et j’y suis citée. Et puis, mon atelier donne sur la rue et, quand il fait beau, je travaille la porte ouverte. Les personnes entrent, cela me permet de communiquer sur les ateliers découvertes, même si je peux recevoir peu de monde à l’atelier pour les cours.
Aujourd'hui, quel est ton bilan ?
La création et l’artisanat ont toujours fait partie de ma vie donc j’estime que je suis simplement passée de l’autre côté. Je trouve ça cohérent, je suis heureuse de ce que je fais aujourd’hui. Je ne suis plus derrière un ordinateur tout en ayant ma liberté !
En revanche, je n’ai toujours pas égalé mes revenus d’architecte d’intérieur. Je gagnais environ 4000 euros par mois, ma rémunération actuelle a été divisée par deux.
J’ai toujours été à mon compte donc je sais gérer les hauts et les bas. Mais en tant que maman célibataire, cette rémunération ne me convient pas pleinement. À Paris, tout est cher donc cela pèse aussi dans la balance. On va dire que je serre le ventre pour arriver à boucler les fins de mois. C’est pour ça que j’essaie de développer des cours pour augmenter mes revenus et partager ma passion.
As-tu eu peur de te reconvertir après 40 ans ?
L’idée que l’âge pouvait être un frein ou une limite ne m’a même pas traversé l’esprit ! Je pense qu’on peut changer de voie à tout âge, même à 50 ans.
Quand ma fille de 16 ans me dit : “Maman, je dois déjà choisir un métier pour toute la vie !” , je lui réponds qu’elle doit d’abord choisir une formation qui lui plaît et qu’elle pourra ensuite choisir un métier. Et pourquoi pas changer dans 5, 10, 20 ans.
Une voie professionnelle n’est pas définitive ! On est dans un pays formidable avec beaucoup de formations mises à disposition. Une reconversion est une prise de risque mais on a la chance immense de pouvoir être accompagné par des formations de qualité.
Quels sont tes enjeux à venir ?
Je travaille actuellement avec un chef étoilé sur un grand projet. Un œuf en céramique à la forme parfaite. C’est un nouveau challenge pour moi car c’est une très grosse pièce, très technique. J’aimerais continuer à développer mes projets avec les restaurateurs et les chefs.
D’ici un an, j’aimerais trouver un atelier plus grand pour développer les cours. J’aimerais aussi passer mon CAP. Tous les ans, je me dis : Comment je m’organise ? Comment je le finance ? Avant, cette formation n’était faisable qu’à temps plein mais désormais, on peut s’inscrire en candidat libre. J’aimerais passer ce CAP car il y a beaucoup de choses qui me manquent, surtout au niveau technique. Et je pense que ça m’aiderait à aller encore plus loin dans mes possibilités créatives !
Et puis dans deux ans, j’envisage éventuellement de quitter Paris… Pour aller dans le Sud, c’est certain !
Les conseils de Caroline à une femme qui voudrait se lancer en tant que céramiste :
- Être passionnée et croire en ce que vous faites. Avoir confiance en soi.
- Se faire à l’idée de revenus de bohême. S’attendre à des revenus irréguliers et ne pas vouloir gagner des mille et des cents.
- Être curieuse, échanger avec d’autres céramistes, aller dans des ateliers de céramistes. Et passer un CAP !
Pour consulter le travail de Caroline, c’est par ici !