Nina avait des réticences à s’investir pleinement dans sa vie professionnelle et trouvait que son travail manquait de sens.
Engagée bénévolement pour la cause animale, elle a réussi à transformer son combat en un métier au sein d’une structure pionnière dans la défense des animaux. Elle nous raconte son parcours.
Bonjour Nina, peux-tu nous parler de ton parcours académique et professionnel ?
J’ai fait un Master en Biodiversité et Développement Durable, mais je n’ai pas trouvé de travail dans ce secteur une fois diplômée. J’avais découvert la cartographie pendant mes études, une matière qui m’avait bien plu, alors j’ai décidé d’approfondir avec une formation spécifique sur le sujet.
J’ai ensuite réalisé plusieurs missions très intéressantes en tant que cartographe. Entre les missions, j’avais du temps libre que j’occupais en m’engageant bénévolement sur des sujets qui me touchent.
Quand as-tu senti que tu n'étais plus à ta place ?
Je n’étais pas à l’aise avec la finalité de mon travail. Je travaillais pour des géants de l’énergie ou pour de l’agriculture de précision (multinationales, céréales OGM), ça avait peu de sens pour moi. Je ne me voyais pas rester dans ce secteur sur le long terme.
Et de manière générale, j’ai toujours ressenti une certaine appréhension à l’idée de travailler en CDI. Pour moi, ça avait un goût d’enfermement.
Quel a été le déclic pour changer de voie ?
Impliquée en tant que bénévole au sein du Parti animaliste, j’ai eu la chance de saisir une opportunité qui s’est présentée à moi : ce parti a cherché à se professionnaliser et on avait besoin de quelqu’un pour tout structurer.
Ça a été une grosse décision pour moi parce que je savais que je m’engageais dans une voie où il n’y aurait plus de retour en arrière possible. Après avoir rapidement pesé le pour et le contre, j’ai pleinement accepté de faire un vrai changement de cap.
J’ai alors été la première personne à être rémunérée au sein du parti. Mes missions étaient très variées et tout était à construire. J’étais très motivée, mais je me mettais la pression, il fallait que j’assure.
Quand on travaille pour quelqu’un d’autre, on fait ses heures et on rentre chez soi. Mais quand on travaille pour une cause qu’on a envie de défendre avec ses tripes, le travail se transforme en obligation morale.
Comment es-tu devenue salariée d'une association qui défend la cause animale ?
Quand ma mission en freelance au sein du Parti animaliste s’est terminée, une offre d’emploi est apparue chez L214, une association de défense des animaux. J’ai décidé de saisir cette opportunité pour continuer sur ma lancée.
À cette époque, j’étais très impliquée dans le réseau bénévole local, ce qui m’a permis d’avoir des recommandations de la part de plusieurs personnes du milieu. Même si je n’avais pas toutes les qualifications requises, j’avais ma chance !
J’ai su assez vite qu’entre l’association et moi, ce serait du long terme. J’ai commencé par un CDD de trois mois qui a été renouvelé et est devenu un CDI au bout d’un an. Bizarrement, celui-ci, j’étais ravie de le signer et même le télétravail à plein temps ne m’a pas rebutée !
Est-ce que tu as eu des blocages, des peurs ?
Comme j’ai rejoint l’équipe de collecte de fonds en étant totalement débutante sur ce sujet, j’ai forcément ressenti le syndrome de l’imposteur. J’ai alors rejoint des réseaux de personnes qui faisaient le même métier que moi dans d’autres associations et j’ai été formée en interne. Je me suis sentie de plus en plus à ma place.
Quand mon syndrome de l’imposteur se présentait, j’essayais de me rappeler que les personnes qui m’avaient embauchée avaient de bonnes raisons. J’ai fait confiance à leurs compétences en recrutement et je me suis répété qu’elles ne m’avaient pas choisie pour rien.
Aujourd’hui, je sais que je suis compétente dans mon travail. Je m’estime cependant très chanceuse, la collecte de fonds étant un métier assez nouveau, ça a joué en ma faveur. Et puis les opportunités sont arrivées au bon moment. Aujourd’hui, la structure embauche plutôt des experts de leur domaine.
Cinq ans après, quel est ton bilan ?
Voilà plus de cinq ans que je travaille pour L214 et mon bilan est très positif. Dans ce poste, je me sens en accord avec la finalité de mon travail mais aussi avec les valeurs de la structure, notamment le pragmatisme et l’efficacité. J’ai beaucoup d’autonomie et je peux organiser mes journées comme je le souhaite. Quand je fais des propositions pour prendre en charge de nouvelles tâches ou suivre des formations, c’est toujours bien accueilli et encouragé. De manière générale, on a beaucoup de reconnaissance dans notre travail.
Je ne voulais pas passer tout mon temps devant un ordinateur, alors j’ai demandé à passer à 80% et ça a été accepté. Le fait de pouvoir travailler moins et d’avoir du sens dans mon travail me permet d’être épanouie et de me projeter sur le long terme.
Aussi, on fonctionne de manière à ne pas reproduire des schémas de domination dans nos actions comme dans notre fonctionnement interne. Par exemple, tout le monde est au salaire médian. Même si ça pose des problèmes de recrutements sur certains postes experts, c’est assez révolutionnaire. Ça évite aussi que certaines personnes prennent des postes de coordination pour des raisons financières plus que par réelle envie.
Enfin, tout le monde est accessible, la directrice de l’association également, à qui je peux parler de mes problématiques. Globalement, on peut s’adresser à qui on veut, peu importe le sujet et le niveau de hiérarchie.
Les conseils de Nina à une femme qui voudrait vivre de la cause qu'elle défend :
- S’impliquer dans les causes qui nous touchent, même bénévolement, notamment via Altruisme Efficace. Si cela ne permet pas de décrocher un poste à tous les coups, cela permet de se faire connaître et d’intégrer un milieu qui fait sens pour nous.
- Proposer ses compétences et son expertise à des associations. Les grosses associations recrutent sur des compétences similaires au secteur privé donc il est souvent possible de transférer son poste dans le milieu associatif (communication, comptabilité, etc.)
- Observer les opportunités autour de soi et savoir les saisir quand elles valent le coup !